LA BANDE A SCHNEGG

Aux alentours de 1900 à Paris de jeunes sculpteurs prennent l'habitude de se réunir pour passer de joyeuses soirées à échanger des idées et à chanter dans l'atelier des frères Schnegg où il sont sûrs de toujours trouver un bon feu en hiver : un poêle Godin ancestral y ronfle en permanence ! C'est ainsi que prend naissance la "Bande à Schnegg".

Cette tendance de la sculpture figurative moderne, après avoir connu une belle vogue au début du XX° siècle, a subi une longue éclipse au profit des tendances nouvelles : cubisme et abstraction. Elle suscite un regain d'intérêt tout à fait justifié depuis un certain nombre d'années avec en particulier la création du Musée Despiau-Wlérick à Mont-de-Marsan, d'une salle Pompon au Musée de Dijon, d'un musée Pompon dans sa ville natale, l'exposition consacrée à la Bande à Schnegg au Musée Bourdelle à Paris en 1974 et l'exposition Gaston Schnegg organisée par le Musée des Beaux-Arts à Bordeaux en 1986. Le Musée d'Art et d'Industrie de Roubaix, La Piscine, s'y intéresse également.

Lucien SCHNEGG est l'élément moteur du groupe qui, outre son frère Gaston Schnegg, comprend Bourdelle, Despiau, Wlérick, Pompon, Drivier, Dejean, Halou, Marque, Malfray, Niederhausern-Rodo, Cavaillon, Arnold, Jane Poupelet, Yvonne Serruys...

Après la mort prématurée de Lucien en 1909, le groupe continue à se réunir autour de Gaston Schnegg.

Lucien Schnegg
dans son atelier vers 1900

Pensive par Lucien Schenegg

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Le Professeur Paul Roudié a parfaitement défini la "Bande à Schnegg":
"Il n'est pas sûr que, malgré l'exposition qui lui a été consacrée en 1974 au Musée Bourdelle, l'originalité et l'importance de la "bande à Schnegg" soient bien connues et bien comprises même des amateurs avertis. Il y a plusieurs raisons à cela. La première c'est que les jeunes sculpteurs qui dans les années 1900 se réunissaient autour de Lucien Schnegg pour échanger des idées et exposèrent plusieurs fois ensemble entre 1904 et 1930 n'avaient pas la prétention de former une "école" : ils n'ont pas échafaudé de grandes théories ni publié de manifestes. Plus portés à faire qu'à dire, ce n'étaient pas vraiment des intellectuels et ils laissaient parler leurs oeuvres, se méfiant des mouvements en "isme" qui fleurissaient alors. La seconde c'est que leur position peut paraître ambiguë.	Ils se voulaient farouchement indépendants de l'art officiel, de l'académisme tel qu'il était enseigné dans les écoles des Beaux-Arts, soutenu par les pouvoir publics, apprécié par une certaine partie de la société. Pour les encourager dans cette attitude ils avaient un modèle et un soutien, le grand Rodin dont plusieurs (Despiau, Pompon, Drivier, Dejean, Halou, Lucien et Gaston Schnegg) furent les collaborateurs et qui ne leur ménagea pas les encouragements. Paradoxalement pourtant, au lieu de s'inspirer de l'art tumultueux, lyrique, tendu du maître, pour lequel ils avaient admiration et reconnaissance, ils s'orientèrent vers une sculpture calme, sereine, réfléchie, de plus en plus dépouillée, de moins en moins tapageuse, à la recherche de volumes simples, de compositions équilibrées.

Buste de Jane Poupelet
par Lucien Schnegg

Un exemplaire en marbre
au Musée National d'Orsay
à Paris
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un exemplaire en bronze doré
au Musée de Bordeaux
(Donation Mme L. Schnegg)

Cela aurait pu les conduire vers le cubisme ou l'abstraction, mais ils ne se laissèrent pas tenter par les aventures avant-gardistes et bien que se voulant et se disant "modernes" ils ne rougissaient pas de s'inscrire dans une tradition dont ils reconnaissaient la richesse et les possibilités de renouvellement. Cela fait qu'Apollinaire, après les avoir beaucoup loués, les abandonna pour soutenir les novateurs qui voulaient révolutionner l'art jusque dans ses fondements et qu'avec le recul du temps certains historiens les distinguent mal des autres sculpteurs figuratifs de la même époque et même de ces "pompiers" dont ils se voulaient si éloignés.

Si la "bande à Schnegg" en tant que groupe incarnant une tendance fort intéressante de la sculpture française du début du XX° siècle est assez méconnue, plusieurs de ceux qui en faisaient partie ont atteint la notoriété et même la célébrité. Despiau a été le bustier le plus en vue de son époque ; Wlérick a vu apprécier ses nus vigoureux et sensuels et a bénéficié de commandes prestigieuses : tous deux ont été célébrés en 1974 et 1982 par des expositions commémorant le centenaire de leur naissance et Mont-de-Marsan, leur ville natale, leur a consacré la majeure partie du beau musée qui porte leurs noms. Pompon a été reconnu comme l'un des animaliers les plus originaux depuis les Egyptiens ; une salle du musée de Dijon contient ses oeuvres maîtresses. Drivier, Marque, Dejean ont fait de belles carrières, obtenu commandes et honneurs.

Portrait de Jeanne
1919
par Gaston SCHNEGG

Musée de Bordeaux
(Donation J. Schnegg)

Portrait d'André >>
-1920
par Gaston SCHNEGG

Musée de Bordeaux
(Donation J. Schnegg)

Aphrodite

par
Lucien Schnegg

Musée d'Orsay
à Paris

D'autres, en revanche, pour des raisons diverses, qui n'ont rien à voir avec leur talent, ont été moins connus de leur vivant ou ont été presque oubliés. Il est difficile de voir les sculptures si originales et si sensibles de Jane Poupelet et paradoxalement Lucien Schnegg, que ses amis considéraient sinon comme leur maître à penser du moins comme l'animateur incontesté de leur groupe, dont Rodin a dit qu'il était "un véritable sculpteur tirant tant de lui-même à la façon des réformateurs", n'est pas à ma connaisance beaucoup mieux représenté dans les musées et c'est une chance pour les Bordelais de pouvoir contempler l'admirable portrait de Jane Poupelet où le talent de l'auteur et l'idéal du groupe s'expriment avec une éclatante évidence. Que dire alors de Gaston Schnegg ? Il eut certes la chance de vivre bien plus longtemps que son frère aîné, mort à quarante-cinq ans ; mais c'était, à la différence de celui-ci, un homme discret, réservé, peu expansif, volontiers solitaire et donc peu apte à se faire valoir... Enfin ...le fait qu'un artiste pratique plusieurs disciplines déroute parfois le public et la critique".

P. Roudié

Document réalisé par Marine Schenegg en septembre 2000
Dernière révision : 2023